Pacome Thiellement.com

 
4928 octaves au-dessous de la Grande Note
Contexte : Chronic'Art

Présentation :

Les réseaux sociaux et le microblogging n'engendrent que la paresse, la pédo-pornographie, le trouble de déficit de l'attention ou l’ivrognerie publique ? Erreur. Tous les deux mois, Pacôme Thiellement ira aux events ou commentera les séquences YouTube qui apparaîtront au grès de ses pages Facebook, Google + ou Twitter pour évoquer les plus enchanteurs d’entre eux. Notre monde est la création d’un démiurge fou, bête et aveugle, situé 4928 octaves au-dessous de la Grande Note ; parfois, cela dit, l’écho de la mélodie initiale qui jadis donna naissance à l’Univers se fait encore entendre...



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#1
27 juil. 2015

Présentation :

Publication dans le numéro 73 de Chronic'Art.

Cité(s) également : plusBeyoncé, Copi, Dr Dre, Lady Gaga, Orsten Groom, Rihanna, Simon Leibovitz-Grzeszczak, Viviana Moin

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Chiens de Navarre
Votre serviteur est allé voir les Chiens de Navarre sur un coup de tête, yo’. C’était Une raclette, à Vanves. Nous qui d’ordinaire détestons le théâtre, nous sommes venus, nous n’en sommes pas revenus (amour !). Une raclette, ça commence hors pièce, avec les acteurs qui discutent, et il y en a un, muet, qui commence à s’exciter : il raconte son histoire, en murmures et en langage des signes, sentimental, un peu geignard… Progressivement, on comprend qu’il a tué un de ses camarades d’école, découpé en rondelles, fichu dans un sac, jeté dans la forêt, fait de la prison, et maintenant il est sorti, il est acteur, il est content. Puis la pièce commence, un dîner entre six personnes. Il y a un type qui fait partie d’une organisation humanitaire, Clowns Sans Frontières (slogan : « un sourire vaut un bol de riz ») ; un homme qui détaille ses randonnées avec son pote, chiant comme la pluie, jusqu’au moment où le spectateur n’écoute plus trop et que son récit bascule et, avec toujours le même ton débilitant, il raconte comment il a tué un petit mexicain, l’a mangé et a gardé le crâne pour rigoler ; il y a des projecteurs qui s’écrasent brutalement sur la scène ; une carotte géante qui viole un des personnages et même une partouze avec les acteurs soudains vieillis, salis, pétés, errant dans le public comme des tchândâla… Avec un synopsis archi-réglé, un timing parfait, un texte se modifiant de jour en jour, et des impromptus incroyables, les Chiens de Navarre sont une sorte de jazz. Ils ont rejoué Une raclette aux Bouffes du Nord en mars et nous y sommes retournés ; les textes avaient changé ; on ne riait pas aux mêmes choses ; mais ils nous fichaient les nerfs en pelote électrique avec autant d’aisance à chaque tour de vis de leur soirée. La première de leur prochaine pièce, Nous avons les machines, est prévue pour le 6 avril 2012 au Théâtre de Gennevilliers. Evidemment qu’il faut y aller !

Orsten Groom
N’écoutant que l’Ange de la Face, et parfois les résidus de l’esprit bicaméral errant dans notre cerveau droit, nous sommes également allé voir Bismarck, l’installation de Simon Leibovitz-Grzeszczak, a.k.a. Orsten Groom, dans le cadre de l’exposition de fin d’année du Fresnoy. Obsédé par les red herrings (les fausses pistes du récit), prince des cauchemars drôles, Orsten Groom raconte avec des choses l’histoire de Lord Marrowski, qui, pour repérer les sous-marins allemands pendant WW1, a l’idée de remplir un faux sous-marins de harengs, déclenchant chez les mouettes une identification permettant de les utiliser ensuite comme vigiles. Dans son installation, comme un petit musée historique de village, il y a la reconstitution de l’événement : des cris de mouettes, une maquette de sous-marin avec une oreille de porc collée sur le côté, un brasseur d’air à hélice, de l’extrait de synthèse d’essence de hareng intégré à une machine à fumée, un film noir et blanc montrant le scientifique à la Chambre du commerce de Londres, envoûtant les ministres et les transformant en bêtes, et enfin un air joué sur des trombones superposés qui rend toute cette parade pompière jusqu’au rire nerveux. Groom fait tout : écriture, peinture, musique, films, le tout évoluant avec des repères très personnels, et un univers pathologicomique archi-construit… Son grand court-métrage, baroque, interminable et passionnant, Bobok, décrivant les dérives d’un cadavre flottant et ses folkloriques rencontres champêtres, a reçu le prix du jury au Festival Côté Court de Pantin ce même mois de juin. Inutile de dire qu’il était scié.

Van & Jess
Il ne se passe pas une semaine sans que nous écoutions les deux petites sœurs noires-américaines Van & Jess. Auto-filmées avec l’œilleton de leur ordinateur portable, s’accompagnant de claquements de doigts, d’accords plaqués sur leur piano-synthé, et de beatboxing, le chant principal et les chœurs passant sans cesse de l’une à l’autre comme si leurs cerveaux étaient en fichier partagé, Jessica (la petite aux joues rondes et aux dents du bonheur) et Ivana Nwokike (la grande myope lunetteuse, au visage sérieux d’avocate de la partie civile, qui met parfois sa jolie robe de princesse) font des reprises sur le pouce de tous les tubes du moment (Beyoncé, Lady Gaga, Rihanna, Dr. Dre), réarrangés et améliorés, avec une inventivité et un naturel dont aucune télé-crochet ne sera jamais capable. Dans nos flashsideways, nous sommes Pam, la troisième sœur Nwokike.

Viviana Moin
Et puis il y a eu cette performance de Viviana Moin. Dans le très chic Hôtel Particulier, en haut de la butte Montmartre, un Lundi soir de la fin du mois de Mai, assis avec les spectateurs entre les chaises de la terrasse et les touffes d’herbe, et dans le cadre d’une suite de perfs autour de la transgression (thème chiant), nous avons écarquillés nos yeux en découvrant cette femme incroyable, mate, légère, douce et extrême, dans son costume de ferraille sexy, avec une Pompadour de ferraille sur la tête, comme une Don Quichotte de l’apparence, danser à s’en blesser les jambes et bondir sur ses talons hauts, tout en parlant avec sa pianiste, Mme Gonzalez, qu’on ne voit pas. C’est tendu et léger, fort comme du Copi ou du Zouc (elle est argentine comme le premier et n’est pas un homme comme la seconde). Les paroles sont suspendues dans l’air et parfois retombent foudroyées comme des larmes de champagne sur le sol. Le soir progresse lentement. C’était le dernier beau jour parisien. Comme dans une chanson de variété, l’été est parti avant d’avoir commencé. Donne-moi ta main, laisse tomber tes cheveux, pose ta tête sur mon cœur ; il paraît que, désormais, il ne fera plus jamais beau.

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#2
27 juil. 2015

Présentation :

Publication dans le numéro 74 de Chronic'Art.

Cité(s) également : plusFreaks, Olivier Sacks, Roland Topor, menu_mondes.pngScott Battymenu_mondes.png, Sophie Perez, Xavier Boussiron

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La Compagnie du Zerep
Le Théâtre du Rond-Point est gras et toc comme les décors en polystyrène des Merci Bernard et des Palace des années 80. Mais au fond du restaurant – où quelques types vous servent des tartines de graisse de Ribes pour agrémenter vos apéritifs – il y a une petite salle caverneuse où est reproduit le Couvent des Célestins. Là, vous vous asseyez, et vous fermez les yeux quelques instants avant de les rouvrir, parce que c’est : Oncle Gourdin de Sophie Perez et Xavier Boussiron, pour la Compagnie du Zerep. Oncle Gourdin au Rond-Point, c’est la revanche de Topor. Auprès d’un arbre et de quelques champignons géants, alors qu’une sylphide répète un riff de harpe, cinq trolls débarquent et commencent à casser et à recoller des tableaux, peluches, objets, dans un boucan de tous les Belzébuth. Brutaux et innocents, ils sont dans le temps cyclique d’avant l’Histoire et ne connaissent que les allers-retours du jour et de la nuit, jusqu’au jour où une troll trouve un bébé mort dans le jardin, et là : changement de registre, c’est la naissance de la tragédie chez les trolls. Tout prend une gravité terrible, les mythes grecs sont soudain recrachés les uns après les autres comme des glaviots plein de sanglots de la vie terrestre souffrante au Temps sans lacune du Destin… C’est un théâtre pour nous autres, que font Perez et Boussiron. C’est le théâtre archaïque dont nous avons besoin, nous autres chevaliers sauvages. L’extase est une communion dans la solitude. Quand tous les solitaires, les freaks et les weirdos se retrouvent, alors le premier rire qui éclate fait trembler la Terre, et nous nous noyons dans un océan de larmes.
http://www.cieduzerep.blogspot.com/

The Umbilical Chords
Peintre, poète, chanteur, Scott Batty traverse les forêts urbaines, traque les esprits-animaux dispatchés dans l’atmosphère, adopte les esprits-enfants, et les capture dans des petites bouteilles qu’il rapporte jusque dans son atelier pour les réinjecter ensuite dans des tableaux ou des chansons. C’est un art de la miniature magique : le mystère s’épiphanise dans des nuances de bleu et de noir, de belles éclopées émergent, leur sourire plein d’une puissance amère. Et dans ses chansons, c’est Paris ou Londres qui apparaissent comme une jungle d’affects en souffrance, des temples d’indigènes malades qu’il va falloir impérativement soigner. Récemment, Scott Batty s’est associé à Le Hibou pour former un nouveau groupe, The Umbilical Chords. Scott écrit et chante, Le Hibou fait les programmations informatiques et la basse. La musique est sourde, suspendue, comme un orage qui n’éclate pas mais pèse sur le jour de tout son poids. Les chansons sont sèches et répétitives : Sex Friend, Evil Idle, Animals and Children, Ceux qui suivaient les concerts du groupe précédent de Scott Batty, The Art of Skinlessness, connaissent sa présence incroyable de cabaretier chamanique. Ils savent que Scott Batty, sur scène, est à la fois criminel, médecin, sage, grand frère et enfant fou. The Umbilical Chords jouent le 15 Novembre au Rigoletto, 337 rue de Belleville 75019 Paris à 20h, avec Geste et Avenge Thee.
http://www.scottbatty.com/
http://www.myspace.com/the.umbilical.chords

Tourettes Karaoke
« Découvert » par Gilles de la Tourette en 1885, diagnostiqué à des milliers de reprise, ce corpus de gestes asociaux, tics nerveux et insultes réitérées au pire moment (dans ton cul, fils de pute ; dans ton cul, fils de pute) cessa pratiquement d’être observé dans les premières années du XXe siècle jusqu’à un journée d’hiver 1971 où Olivier Sacks, au cours d’une promenade dans les rues de New York, put relever trois cas de maladie de la Tourette dans l’espace de quelques minutes. Depuis, ils ne cessent de se multiplier de façon exponentielle. Les causes de la maladie sont inconnues, les médicaments sont inefficaces, la seule solution semblerait être d’en faire – comme Tourettes Karaoke – une manière d’être à part entière. Tourettes Karaoke est un des chanteurs Youtube les plus émouvants qui soient. Anglais, barbu, lessivé par son combat contre sa maladie, avec tous ses fucks et ses gestes, il redonne presque un sens à cette pleurnicherie de Losing My Religion. Sinon, c’est Lady in Red, Hit Me Baby One More Time ou Imagine chantés parfaitement, avec une voix cristalline, au milieu des oy, des ass, des cunt et des fucks, qu’il se répond à lui-même. Nous avons assez vu de gens mignons comme ça. Nous avons vu assez de snobs et de faux-culs, de gueules d’amour et de crétins définitifs. Nous nous sommes faits suffisamment enfariner. Seuls les Tourettes ont encore des choses justes, profondes et sérieuses à nous dire, même si ce qu’ils ont a nous dire, c’est surtout : Dans ton cul, fils de pute. Vous méritez mieux, vous ? Moi pas.
http://www.touretteskaraoke.com/

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#3
27 juil. 2015

Présentation :

Publication dans le numéro 75 de Chronic'Art.

Cité(s) également : plusAlexandre Romanès, Cirque Romanès, David TV, Demetra Nikolopoulou, Hermine Karagheuz, Hélèna Villovitch, menu_mondes.pngKilloffermenu_mondes.png, Viviana Moin

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La Reine des Gitans et des Chats
Là où on est, on ne voit plus que les couleurs : tout est flou. Les enfants courent sur les tapis et les femmes sont assises, silencieuses, observant avec solennité la succession des numéros. La guitare, l’accordéon, la contrebasse, le violon et la clarinette sont dans une ligne droite, avec des bosses et des creux, mais tiendront sans interruption pendant que Brice, le funambule, fait un saut périlleux, Mélina, danseuse et acrobate, dompte les sangles comme si c’étaient des tigres, Alexandra fait le tissu aérien et voyage d’un côté à l’autre du chapiteau en se propulsant d’un coup de talon, et Sylvaine, la contortionniste, petite, blonde et étrange, fait ses figures impossibles dans l’air subtil : c’est le cirque Romanès, cirque Tzigane, porte de Champerret. Pas de clowns ni d’animaux : seulement des musiciens et des acrobates. Il n’y a pas plus beau pour traverser l’hiver pluvieux que ce petit chapiteau au milieu des caravanes, avec du vin chaud et des beignets, les livres de poésie d’Alexandre Romanès, et le chant de Délia, sa femme, beau à faire reculer la frontière du jour et de la nuit.
http://www.cirqueromanes.com/

Pour finir et recommencer
On quitte le cirque mais on ne rentre pas pour autant dans la ville. On reste hors du monde, en plein Paris : c’est sur la place Sainte-Marthe, où Eric Perrier organise ses soirées Pour finir et recommencer, un Vendredi par mois. On paie ce qu’on veut à l’entrée et on y traîne le temps qu’on veut. C’est une sorte de cirque aussi, finalement : on peut y voir des films, des concerts, des lectures… Ou alors on est dehors, à fumer et à boire un verre de vin – pas chaud ! – en débriefant sans fin… Et soudain, un soir, c’est Hermine Karagheuz elle-même, une des plus grandes et des plus inspirées, colorée comme une gitane, fugitive comme une fée, ailée comme une grande joueuse, qui lit les Elégies de Duino. L’âme se fêle ; le spectateur n’est plus qu’un tam-tam ivre de résonance. Personne n’a fait pénétrer le poème de Rilke comme ça, avec ses anges et ses amoureuses mortes, ses animaux, ses marionnettes et ses forains… Pas besoin de musique, quand Hermine Karagheuz scande le texte, on entend comme un violon au loin, dur mais sensible, électrique et viscéral, soupirant depuis le chapiteau de tous les poètes sauvages.
https://www.facebook.com/pages/10-POUR-FINIR-ET-COMMENCER/192811017469099

Inhabitable
Et la princière Viviana Moin descend un escalier, sur une musique de film archi-pompière, faisant un discours hilarant et sublime, sur la réintégration des âmes, alors que Hélèna Villovitch, David TV et Demetra Nikolopoulou exposent « Inhabitable » à l’Espace d’en Bas. La rue bleue est parfaite pour l’éternelle femme en rouge, drôle et piquante, qu’est Hélèna Villovitch. La nuit en devient mauve, et les rires nous recouvrent comme des plumes d’oreiller. Les meubles de Demetra, les danseurs de David et les animaux d’Hélèna s’allient à ravir sur un mur unique, avec des images graffitées sur des coins d’enveloppes ou des peintures somptueusement encadrées, le tout regroupé et centré comme un herbier. C’est un rébus fouillé comme une forêt. Les images ont plusieurs titres, les prix sont au petit bonheur la chance. Une grande image peut valoir cinq euros et un tout petit crobard, mais fantastique d’évocation et de drôlerie, cent quatre-vingt…
http://www.warmgrey.fr/index2.html

Charbons
… Mais quand on aime, on ne compte pas. C’est loin et c’est en train : c’est Charbons, l’exposition de Killoffer aux Sables d’Olonne, à l’Abbaye Sainte-Croix. Au dernier étage du musée, dans une salle magnifique aux murs de bois, c’est le cosmos burlesque au grand complet qui s’épanouit dans de gigantesques images crayonnées jusqu’à la plus folle précision. Un monde naît et meurt à chaque seconde. Et sur deux toiles, au milieu d’une flore fantastique, une ombre nous laisse imaginer la présence d’un double ou d’un visiteur. C’est très fou, très drôle, très inquiétant et c’est simplement l’un des plus grands imagiers de tous les temps. On sort du musée, et c’est la nuit. On trace jusqu’à la plage, en face c’est l’Océan atlantique, et rien n’est plus vertigineux, à part quelques images de Killoffer. On avance sur le sable jusqu’au moment où on perd pied et on pourrait être déjà parti. Tout est flou, mais on ne voit plus de couleur non plus : c’est la mer allée avec la nuit, si on continue à avancer.
http://www.lessablesdolonne.fr/actualites/expositions/2593-charbons-killoffer.html

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#4
27 juil. 2015

Présentation :

Publication dans le numéro 76 de Chronic'Art

Cité(s) également : plusCaptain Cavern, Daniel Paul Schreber, Dick van der Harst, Olivia Clavel, Olivier Mellano, Pascal Doury, menu_mondes.pngScott Battymenu_mondes.png

Chiens de Navarre
C’est dans les souterrains de chair humaine du Centre Pompidou. Dans une étouffante foule de viande vivante, on suit une réunion socioculturelle : une des expériences les plus culpabilisantes de l’être humain moderne, avec ses déprimantes tentatives de se hisser à une certaine efficacité dans la médiocrité, et toutes ces paroles chuintantes, au lieu de se laisser glisser dans la bêtise extatique jusqu’à atteindre le malstrom de silence glacé… La France, c’est une boucherie de viande de bébé enrobée d’euphémismes mignards. Ca tourne et ça fait rire, rire ; ça donne presque envie de vomir tant ça fait rire, jusqu’à la césure où les Chiens de Navarre se détruisent une chaise et la font flamber, des hélicoptères téléguidés survolent la scène, et la réunion socioculturelle reprend, mais dans l’espace, avec des extraterrestres et des robots, dans la même complaisance et la même médiocrité. Anne-Elodie Sorlin dit : je suis un cyborg schréberien. Un travesti traverse la scène en chantant une ballade bouleversante. Tout est à nouveau grandiose et triste. On comprend : il n’y a pas, il n’y aura jamais plus fou que ce monde et ceux qui l’acceptent…

Chiens de Navarre : « Nous avons les machines », 1er-4 février 2012 au Centre Pompidou ; prochaines dates : 6-12 avril au Théâtre de Gennevilliers CDN de création contemporaine.
http://www.chiensdenavarre.com/lapageacceuil.html

Philippe Lagautrière
… Et la seule chose à faire, c’est de leur attribuer les chatoiements et la grâce qu’ils n’ont pas. Philippe Lagautrière fait partie de ces imagiers grandioses qui, de Olivia Clavel à Scott Batty, en passant par Pascal Doury et Captain Cavern, colorent la Terre, sombre et cruelle, de leurs épiphaniques beautés. Lagautrière, c’est l’homme des mille tampons : ces images délicatement hilarantes coagulées dans des mini-cosmos rétroactifs et insistants, puis projetés sur la toile, transformés en gravure ou imprimés par jet d’encre sur de grandes feuilles – faisant comme des tapisseries chamaniques où on aimerait s’enrouler comme le docteur Faustroll dans son sponge-bath. Tout est bleu, rose, vert, et les hiératiques figures de gravures anciennes s’y mêlent à des petits personnages colériques et comiques, singes, chiens, coccinelles, indiens… La galerie Oblique a pris l’initiative de l’inviter pour une exposition personnelle, et soudain à Paris, pour la première fois depuis 15536 ans, il fait beau : Lagautrière a fait revenir l’été. Il ne faut pas grand chose pour que le démiurge fou se sente presque aimé…

Philippe Lagautrière, « Rebelle etc. » : Galerie Oblique, Village Saint-Paul, 17 rue Saint Paul 75004 Paris, du 24 février au 10 mars 2012
http://www.lagautriere.com/

La Superfolia Armaada del Craziest Mellanox Companeros
… Il faut juste y mettre beaucoup de douceur, mais avec l’énergie de la colère. Vous imaginez un concert où on pourrait retrouver, ensemble, l’école de Canterbury, la cold wave, le free-jazz, le rap ? Non, et pourtant, non seulement c’est possible, mais ça produit un des plus beaux spectacles de tous les temps – un des seuls qui se hissent à la hauteur de nos actuelles exigences d’hommes-mondes, trempant toutes les musiques dans leur tasse de thé. C’est Olivier Mellano, guitariste, compositeur et chef de guerre hors pair, qui l’a produit, et c’était pour un soir unique, à Allonnes, avec les plus improbables guest-stars, jouant chacun sur les morceaux des autres, passant successivement d’accompagnateur à leader, alors que toutes les chansons nous parlent d’un monde qui est le nôtre, mais qui s’efface déjà… Il faut entendre John Greaves et son phrasé labyrinthique de gallois céleste s’insinuant au sein de ballades en sables mouvants ; Simon Huw Jones, messianique dans son manteau de grand anglais maudit ; Dick van der Harst et son tible catalan, coltranien jusqu’au trognon ; Arm, précis, triste et fort, comme l’homme qui observe la tempête de feu de l’autre côté du monde ; et le plus beau de tous, Mellano lui-même, adolescent et vieillard, tirant ses mélodies du fond de la mer comme des poissons ou les descendant du ciel comme la pierre blanche. La nuit devient transparente,  l’eau remonte jusqu’au ciel, il n’y a plus que des étoiles et elles sont en biscuit feuilleté.

Olivier Mellano et la Superfolia Armaada del Craziest Mellanox Companeros : Vendredi 20 janvier, L’Excelsior, Salle Jean Carmet, Allonnes