Pacome Thiellement.com

La justification la plus haute de la guerre
Paru en 2010

Contexte de parution : ICI-BAS (laguerretotale.blogspot.fr)





Le stade intermédiaire de l’après-vie est architecturé comme un talk-show. Les annales de l’Empire y sont inscrites avec un stylet trempé de fraise sur des tartelettes de crème et des cordelettes nouées. Et la parole du plus affreux des hommes, à dada sur son poney, se décide par les opérations combinatoires d’une chaîne de fils de couleurs différentes : Le rouge, c’est la trame sur la drogue ; le jaune, celle sur la recrudescence des suicides ; le bleu, c’est un panégyrique de l’esprit d’équipe ; le vert, on n’en parle même pas mais c’est extrêmement technique. Dans des cercles aux mouvements tournants reproduits sur toutes les ondes, des machines de ciel sexualisées proposent d’interminables débats sur de thèmes de société. Il fait maintenant une chaleur affreuse, et une irritation nouvelle monte des poumons à la gorge du petit chevalier. Une journaliste excessivement belle fraude l’entrée en passant derrière lui. Elle lui prend la main et le suit dans d’obscurs escaliers en spirale jusqu’au fond de l’océan. Sa robe est bleue comme l’amour et ses grands yeux ont le goût de la mort, le goût des jours heureux.

On éteint les portables et soudain ça s’excite dans tous les sens, dans un silence agressif comme la gueule d’un flic. Le petit chevalier regarde toute cette petite affaire avec un mélange d’admiration et de crainte et il pense : Les cheveux de cette femme sont les lignes de force de l’Univers manifesté. C’est l’axe de diamant-foudre qui tourne de droite à gauche, et de gauche à droite, provoquant chez lui une alternance continue d’appétit et de dégoût. O well – lui dit-il, moi je ne fais jamais de politique, vous savez.

Pour lui donner du cœur, la journaliste l’embrasse avec une empathie de circonstance. La baise entre surhommes est toujours excessivement sale dit le petit chevalier avec un haussement de sourcils. Sale ? demande son interlocutrice. Sale comme une étoile, conclut l’enfant. Dans un coin de la pièce à six côtés, une araignée proustienne tisse une toile avec sa propre substance.

Sur le mur apparaît en hologramme un glyphe bien curieux. C’est le sigle de la société qui a racheté les parts de cette section de l’empire. Le petit chevalier lève alors son épée de bois et prononce la phrase qui fait trembler les mondes : Je suis le Temps qui fait périr les nations quand est arrivée l’heure. Sans que vous puissiez intervenir, ils cesseront de vivre tous ces empires qui se font face et secrètement conspirent ensemble à leur anéantissement. Mon épée n’est que le bras gauche de votre chevelure ambre : c’est là la justification la plus haute de la guerre.