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Nous sommes au XVIe siècle à Paris. Luigi Alamanni, Giuseppe Betussi, Giulio Camillo et le Cardinal de Lorraine sont en balade. Les gentilshommes en goguette vont observer les animaux sauvages, dans une des cours du Palais de Justice. Soudain, un lion s’échappe de sa cage et se dirige vers le groupe. Les amis prennent peur ; ils s’enfuient en poussant des cris. Sauf un : Giulio Camillo, qui est si gros qu’il se voit incapable de courir et reste planté au milieu de la route. Le lion commence à lui tourner autour, et, surprise : il se caresse amicalement contre lui, comme un gros chat qui ronronne… Lentement, ses gardiens se rapprochent et le ramènent dans son antre… « Qui direz-vous de cela ? commentera Betussi : Pourquoi n’a-t-il pas été tué ? Tous ont pensé qu’il a eu la vie sauve parce qu’il était sous la planète du soleil. »

On sait peu de choses sur Giulio Camillo. Né vers 1480, il enseigne quelques temps à Bologne, mais passe la majeure partie de sa vie à Venise, occupé à la fabrication d’un mystérieux théâtre d’images. C’est un Théâtre de la Mémoire, pour lequel il reçoit l’aide financière de François Ier – ce qui explique ses allers-retours entre Paris et Venise – et sur lequel il s’acharne jusqu’à sa mort, mais sans avoir jamais réussi à l’achever. Basé sur les règles antiques de l’Ars Memoria, Camillo lui donne une forme explicitement hermétique et cabalistique, alors même que cette technique est en train de tomber en désuétude, pliant sous les coups successifs de la scolastique et de l’humanisme, imposant définitivement la méthode éducative dite « dialectique » de Pierre de Ramus et l’apprentissage par cœur qui signent la victoire du mot sur l’image.

L’art de la mémoire, ou mémoire artificielle, dont on attribue l’invention au poète grec Simonide de Céos, est connu des philosophes de la Renaissance par trois traités latins : le De Oratore de Cicéron, l’Institutio Oratoria de Quintillien et l’Ad Herennium. Que nous expliquent ces trois traités ? Que la mémoire artificielle est fondée sur des lieux et des images. Les lieux doivent être aisément retenus par la mémoire (une maison, un entrecroisement, un arc). Les images doivent être des formes, des signes distinctifs ou des symboles. Mais surtout : elles doivent être frappantes, en mal comme en bien. « Quand nous voyons dans la vie de tous les jours des choses mesquines, ordinaires, banales, nous ne réussissons pas d’habitude à nous les rappeler. Mais si nous voyons, si nous entendons quelque chose d’exceptionnellement bas, honteux, inhabituel, grand, inoubliable ou ridicule, nous nous le rappelons longtemps. De même, nous oublions souvent ce que nous venons de voir ou d’entendre, et nous nous rappelons souvent mieux les incidents de notre enfance. La seule raison qui rend cela possible, c’est que les choses ordinaires glissent facilement hors de notre mémoire, tandis que les choses frappantes et nouvelles restent plus longtemps présentes à l’esprit. »

La mémoire artificielle fonctionne comme une écriture intérieure, et ceux qui la pratiquent peuvent mettre dans des lieux déjà édifiés les nouvelles informations qu’ils entendent et les redire aussitôt de mémoire. « Car les lieux ressemblent beaucoup à des tablettes de cire ou à des papyrus, les images à des lettres, l’arrangement et la disposition des images à l’écriture et le fait de prononcer un discours à la lecture. » Ce qu’implique la mémoire artificielle, c’est la création architecturale d’un espace intérieur où nous pouvons placer tout ce dont nous désirons nous souvenir. Cet espace intérieur, Giulio Camillo tente avec le Théâtre de la Mémoire de lui donner une assise matérielle aux propriétés magiques, qui soit en mesure de faciliter son obtention à la manière d’un court-circuit psychique : « Il faut savoir que dans la grande machine de mon Théâtre se trouvent, disposés en lieux et en images, tous les lieux qui peuvent suffire à rassembler et gouverner tous les concepts humains, toutes les choses qui existent dans le monde entier. »

En 1532, le jurisconsulte hollandais Viglius Van Aytta est à Padoue. Il entend parler de ce mystérieux Camillo et écrit à Érasme : « On dit que cet homme a construit un certain Amphithéâtre, œuvre d’une adresse extraordinaire ; celui qui y est admis comme spectateur sera capable de discourir sur n’importe quel sujet avec autant d’aisance que Cicéron. J’ai d’abord cru que ce n’était qu’une fable, jusqu’à ce que Battista Egnazio m’en ait appris davantage. On dit que cet architecte a rassemblé sur des lieux déterminés tout ce qu’on trouve dans Cicéron sur n’importe quel sujet. Il y a disposé en ordre ou en rang des figures… » Excité, il se rend à Venise et pénètre dans la construction de Camillo : « L’ouvrage est en bois, marqué de nombreuses images et plein de petites boîtes ; il s’y trouve différents ordres et différentes rangées (…) Je t’ai déjà dit le nom de l’auteur : il s’appelle Julius Camillus. Il bégaie beaucoup et il parle latin difficilement ; il s’en excuse en disant qu’à force d’utiliser tout le temps sa plume, il a presque perdu l’usage de la parole. Quand je l’ai interrogé sur la signification de l’ouvrage, son plan, ses résultats – je parlais religieusement et comme frappé d’étonnement par le caractère miraculeux de l’objet –, il m’a montré des papiers et il me les a récités avec une voix qui exprimait les nombres, les clausules et tous les artifices du style italien, bien que ce fût avec un peu d’irrégularité par suite à sa difficulté à parler. »

Camillo travaille lentement. Les années passant et ne voyant rien venir, François Ier finit par lui couper les fonds. Le gros homme trouve un nouveau mécène dans la personne du marquis Del Vasto. Il meurt à Milan en 1544. À partir de cette date, nous perdons avec lui toute trace matérielle de son théâtre. Si on continue à l’évoquer au dix-huitième siècle, son rôle et sa personnalité se font plus flous, et il est présenté sous la forme hallucinée d’un créateur d’homoncules dans l’Emile de Rousseau. Il ne revient d’entre les morts que dans la seconde moitié du vingtième siècle, à travers les études historiques de Paolo Rossi et de Frances Yates. Giulio Camillo y est décrit, en compagnie de Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, Campanella et John Dee, comme une des six figures principales de la Renaissance hermétique, courant qui tenta de concilier la religion chrétienne et les sources antiques (néo-platoniciennes, pythagoriciennes et hermétiques) dans l’objectif implicite de justifier l’exercice de la magie. Un point commun entre ces grandes figures est l’importance donnée à la mnémotechnique comme base de leur instruction spirituelle. C’est par la mémoire artificielle qu’on peut constituer cet espace intérieur dont les images opéreront dans nos vies comme des talismans.

Dans L’Art de la Mémoire, Frances Yates se fonde sur les notes de Camillo pour rétablir la forme de son Théâtre. En effet, à la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter une ébauche d’explicitation de son opus magnum. Publié en 1550, le texte nous informe que son Théâtre, analogue à celui de Vitruve, s’élève sur sept gradins, séparés par sept allées représentant les sept planètes. À la manière des théâtres antiques, dans lesquels les personnes de plus haut rang prennent les places les moins élevées, les choses les plus grandes occupent les lieux les plus bas. À chacune des allées correspondent sept portes, décorées par de nombreuses images. Mais, faut-il le préciser, le Théâtre est conçu pour qu’une seule personne à la fois y soit présente. Le spectateur unique se tient debout là où devrait se trouver la scène et regarde vers l’auditorium. Ainsi, il se trouve placé devant les « sept mesures de la machine des mondes » correspondant aux Sept Sefirot du monde supracélèste. Les Sefirot du Zohar sont dix, mais comme les trois premiers sont inaccessibles à l’intelligence humaine, Camillo associe les sept restants aux « Sept Gouverneurs » d’Hermès Trismégiste : « Au neuvième chapitre des Proverbes, dicte Camillo, Salomon dit que la sagesse s’est construit une maison et qu’elle l’a appuyée sur sept piliers. Par ces colonnes, qui signifient l’éternité la plus stable, nous devons comprendre les sept Sefirot du monde supracéleste, qui sont les sept mesures de la machine des mondes céleste et inférieur et où sont contenues les Idées de toutes les choses comprises à la fois dans le monde céleste et dans le monde inférieur. (…) Si les orateurs de l’Antiquité, dans leur désir de localiser de jour en jour les parties des discours qu’ils avaient à prononcer, les confiaient à des lieux caducs comme choses caduques, il est légitime que nous, qui désirons mettre en dépôt pour l’éternité la nature éternelle de toutes les choses qui peuvent être exprimées par le discours, nous leur trouvions des lieux éternels. Notre plus profond effort à donc été de trouver un ordre dans ces sept mesures, un ordre efficace, clairement articulé, qui tienne l’esprit toujours éveillé et provoque la mémoire. »

La première rangée du Théâtre est donc celle des Planètes et des Principes de l’Univers (la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne), plus proches de nous que les Sefirot, et utiles parce que leur forte différenciation s’imprime facilement dans la mémoire. Une fois celles-ci saisies, on peut se déplacer dans deux directions : vers le haut, dans le monde supracéleste des Idées (ce qui veut dire dans l’invisible), ou vers le bas, dans le monde subcéleste et élémentaire (ce qui, paradoxalement, signifie vers le haut du théâtre). Le deuxième degré s’appelle « Le Banquet », et c’est celui des Dieux, du Monde Intelligible ou des Éléments Simples. Camillo associe le Banquet et l’Océan, car l’Océan contient les eaux de la sagesse qui préexistent à la matière, et les dieux invités au banquet sont également les Idées existant dans l’archétype divin. Le troisième degré, c’est la Caverne. Camillo précise qu’il s’agit d’une caverne homérique et non platonicienne. Dans la caverne des nymphes décrite par l’Odyssée, des nymphes tissent sempiternellement et des abeilles entrent et sortent : ces deux activités symbolisent le mélange des éléments destiné à former les choses élémentaires « et nous désirons, explique Camillo, que chacune des sept cavernes puisse, en accord avec la nature de sa planète, conserver les mélanges et les éléments composés qui lui appartiennent. » Le quatrième degré est celui des Gorgones. Camillo y associe les trois sœurs décrites par Hésiode à l’homme intérieur, car il reprend l’idée, cabaliste, des trois âmes – et ce degré contient « les choses appartenant à l’homme intérieur en accord avec la nature de chaque planète ». Le cinquième degré est celui où l’homme s’unit à son corps, union symbolisée par l’image de Pasiphaé et du Taureau. Pour Camillo, « Pasiphaé amoureuse du Taureau symbolise l’âme qui, selon les platoniciens, tombe dans un état de désir à l’égard du corps. » Le sixième degré est figuré par les Talonnières, ainsi que tous les attributs que revêt Mercure quand il va exécuter la volonté des Dieux. C’est le degré correspondant aux Actions de l’homme dans le Monde. Par ce degré, la mémoire sera éveillée, et préparée pour le septième degré, qui est celui des arts, au niveau duquel, à chaque porte, on retrouvera l’image de Prométhée tenant une torche allumée. « Il donne beaucoup de noms à son Théâtre, écrit Viglius. il dit tantôt que c’est un esprit ou une âme construite, tantôt que c’est une âme pourvue de fenêtres. Il prétend que tout ce que l’esprit humain peut concevoir et que nous ne pouvons pas voir de nos yeux corporels, on peut, après en avoir fait la synthèse au cours d’une méditation attentive, l’exprimer par certains signes matériels de telle sorte que le spectateur peut percevoir d’un seul coup d’œil tout ce qui, autrement, reste caché dans les profondeurs de l’esprit humain. Et c’est à cause de cette vision physique qu’il l’appelle un Théâtre. »

Observons maintenant trois pochettes d’album : Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles (1967) ; Their Satanic Majesties Request des Rolling Stones (1967) ; enfin l’Album Sans Nom de Led Zeppelin (1971). Sur la première, nous découvrons un groupe de plus de soixante-dix figures, la plupart en papier découpé. Ils se tiennent face à nous, sous un ciel bleu, et les quatre personnages centraux sont dédoublés. Ce sont les membres du groupe, les Beatles : leur manifestation centrale – seule présence de chair et de sang sur l’image – nous les montre réunis derrière une grosse caisse sur laquelle figure le titre de l’album. Leur présence latérale les restitue dans leur forme ancienne en statues de cire, comme s’ils assistaient à leur propre enterrement (l’enterrement de leurs « hommes anciens » ou hyliques, préliminaire à la transformation de chacun de leurs auditeurs en « hommes nouveaux » ou spirituels). Le nom du groupe est dessiné par un massif de fleurs rouges, élément important car l’ensemble du texte se trouve dès lors déjà dans l’image. Auprès de ces deux émanations d’un même principe, de nombreuses autres personnalités historiques sont présentes, parmi lesquelles Dylan, Stockhausen, Marx, Poe, Burroughs, Laurel et Hardy. Il s’agit d’un zodiaque culturel d’un genre nouveau, dont l’influence se veut déterminante sur la psyché de l’auditeur.

Sur la pochette de « Their Satanic Majesties Request », nous découvrons une image mouvante au centre d’un fond bleu zébré de blanc. Tout aussi colorée que celles des Beatles, elle comprend à un niveau infra-mince leurs quatre visages. Les cinq membres des Rolling Stones sont, eux, assis face à l’auditeur, sur ce qui semble être une planète mystérieuse, pourvue d’une citadelle, et dans le ciel duquel on reconnaît Saturne et (possiblement) la Terre. La première édition de cette image étant holographique, en faisant pivoter l’album, on pouvait voir quatre des membres tourner la tête, tandis que Mick Jagger, au centre, doté d’un long chapeau d’enchanteur, croisait ses mains tout en continuant à fixer l’objectif. La pochette intérieure contient un labyrinthe piégé, de telle sorte que, malgré les apparences, il est impossible de s’y frayer un chemin jusqu’au centre. Ce labyrinthe piégé apparaît comme un commentaire de « Sgt. Pepper » : le support de l’espace intérieur est peut-être un leurre ; son exploration pourrait nous confronter à quelque chose de pire que la rencontre du Minotaure, la découverte d’une gigantesque entourloupe.

Nous passons à la pochette de l’Album Sans Nom de Led Zeppelin. Celle-ci ne présente non seulement aucune information écrite mais pas même une image photographique des membres du groupe. Nous sommes face au tableau d’un vieil homme courbé sous le poids d’un fagot. En ouvrant la pochette et en la mettant à plat, on remarque que ce tableau est accroché sur un mur à moitié écroulé d’une maison en ruines dans un quartier misérable. À l’intérieur du disque, le nom du groupe est remplacé par la présentation de quatre symboles : une plume cerclée, trois ovales entrecroisés, trois cercles entrelacés et, enfin, une représentation ésotérique de la planète Saturne qui provient du « Ars Magica Artificii » de Jérôme Cardan. Lorsqu’on ouvre la pochette, l’image intérieure est une représentation de l’Hermite du Tarot, installé au sommet d’un rocher dominant les murailles d’une ville. Au pied de celles-ci, un jeune disciple se dégage de la cité et se tient dans une attitude de soumission. L’image s’appelle View in Half or Varying Light. Qu’est-ce qui est vu à moitié ? Il faut placer la pochette intérieure du disque contre un miroir pour s’en rendre compte, et la colline se révèle la moitié d’un grand chien noir menaçant, le « Black Dog » qui ouvre l’album : Anubis, ou notre guide dans le monde des morts. Si les deux premières pochettes nous présentaient des théâtres intérieurs fondés sur la prééminence d’un imaginaire personnel, celle-ci nous entraîne sans ambiguïté dans les ramifications souterraines de la tradition hermétique. Ce disque fait directement appel à l’auditeur pour le rejoindre et en expérimenter son contenu ésotérique. Ce disque requiert notre adeptat.

On ne saurait assez reconnaître à Frances Yates l’extraordinaire travail sur le rôle de la mémoire artificielle dans la renaissance hermétique dont fait preuve son ouvrage L’Art de la Mémoire. Mais, écrit en 1966, elle ne se doute pas que la « religion égyptienne » dont elle languit le retour est justement en train de trouver un nouveau support de manifestation. Moins d’un an plus tard, il devient évident que ce changement de paradigme est, non seulement envisageable, mais de surcroît accessible à tous. Bien sûr, Lewis Carroll, Aleister Crowley et C.G. Jung (tous trois présents sur la pochette de Sgt. Pepper) sont pour quelque chose dans cette résurgence, ainsi que le surréalisme – dont on n’a pas fini de constater l’étendue de l’influence sur l’ensemble de la planète – mais c’est dans le cadre ouvert par la pop music que nous allons retrouver un enthousiasme syncrétique et une confiance sans bornes pour les symboles et leur capacité à orienter la pensée vers le voyage intérieur. Et la peur panique engendrée par ses succès sur les pouvoirs temporels et spirituels s’explique aisément devant la renaissance hermétique dont ses musiciens se font, à variable degré de lucidité, les porteurs. Le passage du single à l’album comme support principal permet cette extension, et encourage les groupes à composer une musique plus ambitieuse. Et si c’est les Beatles qui donnent indéniablement le coup d’envoi, le principe dont ils sont vecteurs est déployé au-delà de toute attente par Led Zeppelin, qui, dès son premier disque, ne compose que dans la perspective de l’album, soit une somme s’étendant à la fois dans le temps (la durée du disque) et dans l’espace (la production de celui-ci qui, spécialement au casque, donnant explicitement l’impression de traverser un paysage). Enfin, la profusion de symboles que déploie chaque disque, dans les paroles de chansons comme sur les images des pochettes, sert de pivot pour son auditeur, désormais spectateur unique d’un Théâtre dans l’esprit de celui de Giulio Camillo, afin d’architecturer son imaginaire.

Ceci est invisible à l’auditeur contemporain. Alors que la taille de l’album permettait cette immersion dans un espace visuel qui orientait l’écoute du disque, les détails des pochettes de CD se brouillent jusqu’à devenir indistincts et les propriétés de celles-ci disparaissent : que ce soit le cercle pivotant de Led Zeppelin III ou les fenêtres interchangeables de Physical Graffiti, alternant les images frappantes. Ce que Led Zeppelin met en relation avec son public dans le courant des années 70, c’est l’élaboration d’une lecture seconde, non naïve mais spéculatrice, impliquant une démarche initiatique et une réappropriation symbolique des thèmes et des images véhiculés par le groupe. La tentative prométhéenne des hommes de la Renaissance, qui ne survécut pendant trois siècles qu’à travers l’occultisme et les sociétés secrètes, revient avec eux au grand jour et en pleine lumière. La pop culture apparaît alors comme un court-circuit des puissances supérieures et inférieures, un court-circuit des forces de l’ombre et de la lumière, de la transparence et du secret, de l’invisibilité et de la notoriété. Non pas une « musique du diable » ni la « musique de dieu », mais celle de l’Homme intérieur, grimpant les marches successives de son auto-divinisation par une familiarisation avec les symboles et la transe continue produite par une musique faite de puissance et de délicatesse. « Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours ! / Le temps va ramener l’ordre des anciens jours / la terre a tressailli d’un souffle prophétique… » (Nerval)

La pop culture, c’est la revanche du Théâtre de Camillo.