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Voici le temps des Soufis Paniques
Paru en 2015

Contexte de parution : Facebook

Présentation :

Post du 7 novembre 2015 sur Facebook.


Cité(s) également : plusDjalâl ad-Dîn Rûmî




Nous vivons une période si ténébreuse que nous sommes obligés de radicaliser notre luminosité. Nous sommes gouvernés par des individus si lâches et si mesquins que nous n'avons d'autre choix que de redoubler de courage et de générosité. Et ils font tellement ostensiblement la gueule que nous, nous avons le devoir d'être joyeux. Nous sommes des Soufis Paniques : dionysiaques et intègres, excessifs et simples, intenses et souriants, aussi charnels que spirituels. Comme le soleil, nous éteignons inlassablement la nuit.

Nous sommes en apparence plus seuls que tous les hommes et toutes les femmes qui nous ont précédé. Mais en apparence seulement. Eux vivaient dans des mariages à crédit, des amours mortes depuis longtemps, des haines masquées en mignardises empoisonnées. Ils étaient seuls et ils vivaient comme s'ils ne l'étaient pas. Nous, nous vivons comme si nous étions seuls, mais nous sommes reliés à tous les êtres. Et quand nous sommes le support d'une épiphanie amoureuse, alors elle est un pur joyau de nuit. Elle intimide jusqu'au soleil.

Nous sommes plus pauvres que tous les morts. Nous vivons dans un monde renversé où un nombre infime d'individus possède la moitié de la planète. Et cette poignée de dirigeants, comme un drogué devant une pyramide de cocaïne, ne sera pas satisfaite tant qu'elle n'aura pas dévoré tout ce qui existe. A la vitesse de cette folie, douze ou treize riches posséderont et détruiront la totalité de l'Univers dans moins de dix ans, et ils seront tous incroyablement tristes. Mais cette obscure parade n'a fait que révéler l'étendue de notre générosité. Si la richesse se mesure, non à ce qu'on possède, mais à ce qu'on est capable de donner, alors ce sont des misérables et nous sommes des Seigneurs. Nous n'avons rien, mais nous donnerons même ce que nous n'avons pas.

Nous ne nous retrouvons dans les paroles d'aucun politique prétendant modifier le cours de ce monde. Quand bien même il aurait commencé sa carrière par altruisme ou par haine de l'injustice, s'il avait réussi à déplacer ne serait-ce qu'une poignée de sable dans le Sahara, nous le saurions. Par contre, nous pouvons nous retrouver en harmonie avec les gnostiques, les ishraqiyun et les poètes. Cette solitude que nous vivons, ils la connaissaient. Cet appauvrissement, ils l'éprouvaient. Enfin, cette spiritualité sauvage, ils en possèdent la clé.

Car nous sommes seuls, pauvres et nous ne croyons en rien. Mais nous avons plus d'hommes en nous que tous ceux qui nous ont précédé. Nous sommes plus riches en monde. Enfin, nous sommes plus angéliques, plus saints, plus divins que nos prédécesseurs. Pourquoi ? Parce que nous avons tout retrouvé en nous-mêmes.

Rûmî raconte l'histoire d'un roi qui félicite un soufi pour son ascèse :
- Ah non, c'est toi qui es l'ascète, répond le soufi.
- Comment puis-je être l'ascète, demande le roi, quand je possède tant de richesses ?
- J'ai l'expérience de ce monde et de tous les autres, de cette vie et de toutes les autres, dit le soufi : toi, tu te contentes d'une seule bouchée et d'un seul froc.

Voici le temps des Soufis Paniques.