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C’est une chose d’écrire des chansons engagées ; c’en est une autre de passer de son domaine de compétence, la musique, à la politique proprement dite. Des chansons engagées, il y en a plutôt trop que pas assez. Leur défaut principal, c’est qu’elles ne s’adressent qu’à la conscience – bonne ou mauvaise – de l’auditeur. Elles lui disent sur un ton sentencieux ce qu’il faudrait faire sans même prendre le soin de présenter dans toutes ses dimensions la complexité d’une situation et les possibilités d’une action. C’est l’insane inanité des « messages », la politique réduite à des slogans et des formules. Alors que la pertinence d’une vision se mesurerait plutôt à la densité d’un discours, l’éventail de ses exemples et la richesse de sa documentation. Mais les musiciens de rock, s’ils sont parfois de bons poètes, sont rarement de grands orateurs. Frank Zappa et Jello Biafra ont ceci en commun d’avoir tenté cette transmutation, du musical au politique, et de l’avoir fait avec une intelligence extraordinaire, et un art du discours, qui n’est pas seulement affaire de répartie ou d’insolence, mais qui tient avant tout à une solide culture historique et une compétence toute socratique à poser les bonnes questions. Voilà pourquoi ils ont pu un moment espérer l’un comme l’autre briguer la tête de leur état : « Regardez les anciens présidents des Etats-Unis jusqu’à nos jours, dira Zappa : Même si j’étais incapable de faire la différence entre la merde et le cirage, est-ce que je pourrais faire pire ? »

On ne compte plus les chansons de Zappa fonctionnant comme commentaires politiques ou, plus encore, comme commentaires sur le traitement médiatique des événements politiques. De « Freak Out ! » (1966) à « Broadway the Hard Way » (1989), les constantes de son activité critique sont la déconstruction de la propagande télévisuelle, bien sûr, mais aussi des exercices de désenvoûtement du caractère pathogène des modes musicales (le discours d’introduction de « Punky’s Whips » sur « Zappa in N.Y. » et « Babysnakes ») ainsi que les formes modernes de servitude volontaire, dont il personnifie un à un les suppôts dans des chansons-portraits ironiques : des hippies (« Who Needs The Peace Corps ? ») aux yuppies (« Bobby Brown » ; « Dancin’ Fool »), des born again christians (« The Meek Shall Inherit Nothing ») aux noirs s’intégrant socialement à la société américaine en imitant le mode de vie des blancs (« You Are What You Is »), et jusqu’aux top models anorexiques de la fin des années 80 (« Any Kind Of Pain »)… Mais encore la politique extérieure américaine, et ses interventions tant en Amérique du Sud qu’au Moyen Orient. Mort en 1993, Zappa n’a pas connu l’Ère de Bush Fils ; mais il fut l’un des rares à conspuer violemment la première guerre contre l’Irak ayant pris pour excuse le déploiement des troupes de Saddam Hussein au Koweït : « Mon sentiment est que c’est un problème local et qu’il doit être réglé entre pays arabes. Je ne crois pas que, à la moindre occasion fournie par la situation internationale, les Etats-Unis devraient sauter dessus pour envoyer des centaines de milliers de soldats. Et je crois que, quand le gouvernement américain déclare que nous nous battons là pour défendre la démocratie, ils sont simplement malhonnêtes parce que leur seul enjeu est le prix du pétrole. (…) Personne ne nous a demandé d’être les premiers flics du monde. » Sur ce point, son dégoût était trop grand pour se cantonner au sarcasme, et les morceaux les plus directement politiques de Zappa sont paradoxalement des instrumentaux (mais accompagnés de notes explicatives pansues). Par exemple, le sinistre « Pentagon Afternoon » : « Il faut s’imaginer ces mecs, ces marchands de mort, assis l’après-midi autour d’une table, au Pentagone, cherchant ce qu’ils vont bien pouvoir faire sauter maintenant, quel peuple ils vont asservir et quels outils ils vont utiliser. » Même chose pour l’écologie : de « 9 Types of Industrial Pollution » à « Outrage At Valdez », ses grands morceaux écologistes sont de longs instrumentaux qui donnent à entendre les liens entre la musique et la Terre, et la façon dont la destruction planétaire implique une modification de notre manière d’écouter. Même « Amnerikka », son testament, montre l’amnésie politique américaine sans avoir besoin de la dire. Ces constantes – en matière de politique extérieure ou d’écologie – relient directement Zappa à Biafra et son légendaire spoken word « Die For Oil, Sucker », même si le « conservatisme pragmatique » de Zappa préconisé en matière économique (moins de gouvernement, moins d’intervention de l’État dans la vie de tous les jours, moins d’impôt), est assez loin du radicalisme anarcho-syndicaliste de Biafra et son extraordinaire projet de « Maximum Wage » : n’imposer que les grandes fortunes (personne au-dessous de 200000 dollars par an), et assurer, avec cette somme, la gratuité des soins médicaux, de l’éducation et des transports publics.

On sait que le Frank Zappa de la fin des années 60 n’appréciait pas tellement plus les hippies que la droite morale. « We’re Only In It For the Money » en 1967 mettait dos-à-dos les contestataires gauchistes et leurs parents droitiers. Il n’aimait pas les manifestations, les slogans, et resta très sceptique face aux démonstrations étudiantes de 1968. C’est qu’il percevait déjà dans le regard des hippies la trahison future de leur idéal : ces étudiants stoned aux cheveux longs allaient devenir les yuppies écoeurants des années 80 et les atlantistes arabophobes d’aujourd’hui – et il n’y a qu’à voir le nombre impressionnant d’ex-maoïstes reconvertis en néo-conservateurs, aux Etats-Unis comme en France, pour apprécier la pertinence de son pressentiment. Zappa était l’héritier et le porte-parole des Freaks de Los Angeles, la vraie avant-garde contestataire des années 60 – et les Freaks, qui ne se droguaient pas plus que les Black Panthers, mais pratiquaient le pranksterisme, l’art de vivre et le détournement, « ne voulaient pas changer le monde ; ils voulaient le voir tel qu’il est » (comme dit Gail Zappa dans un entretien avec Xavier Filliol). Malgré ses sympathies anarchistes et révolutionnaires, le Zappa politique se présentera toujours comme un réformiste calme, simplement partisan d’une politique extérieure non-interventionniste, confiant dans le développement de la recherche scientifique et soucieux de l’amélioration du système éducatif : bref, le contraire d’un militant. Le basculement de Zappa dans l’activisme date du PMRC, lorsque ces « Mothers of Prevention » (comme il les appelait) ont commencé à mettre leur nez dans l’industrie du disque.

L’histoire du Parents Music Resource Center mériterait un roman comique à lui tout seul. Tout commence par une chanson de Prince, « Darling Nikki » en 1984. « Darling Nikki » raconte un épisode sexuel de la vie du narrateur avec une jeune femme qu’il rencontre dans un hall d’hôtel, alors qu’elle est en train de se masturber en feuilletant un magazine. Une desperate housewive connue sous le nom de Tipper Gore – et qui deviendra, sous la présidence de Bill Clinton, second lady of the United States, la femme du célèbre Al Gore – est profondément choquée en entendant cette référence à la masturbation féminine sur un disque écoutée par sa fille Karenna. Elle s’associe alors avec Susan Baker, la femme du secrétaire de Ronald Reagan, et un certain nombre de femmes de politiciens américains, démocrates et républicains confondus, pour créer un dispositif de sécurité pour la jeunesse, obligeant les maisons de disque à apposer des stickers sur les albums qui comprendraient des paroles aux contenu potentiellement subversif : le PMRC. Tipper Gore soutient alors que l’influence de la musique rock est essentielle dans le déclin des valeurs familiales : la famille est un « havre de stabilité morale » qui se doit de protéger les enfants de les mauvaises influences extérieures ; et la musique rock « infecte la jeunesse du monde avec des messages qu’elle ne peut pas comprendre. » Parmi les membres masculins de cette amusante coterie, on compte également l’influent « philosophe » Allan Bloom (il convient de garder les guillemets), disciple de Léo Strauss et maître à penser du Think Tank : sorte de Finkielkraut américain, qui voit alors dans la création du PMRC la possibilité de défendre enfin un art « noble, délicat, sublime » (à quoi Zappa répondra : « L’Amérique n’est pas un pays noble, délicat ou sublime. C’est une poubelle dirigée par des criminels. Les chanteurs qui décrivent des choses crues, vulgaires ou répugnantes que Bloom n’apprécie pas ne font que commenter les faits. ») Dans la foulée, le PMRC publie un Top 15 des chansons les plus dangereuses pour la jeunesse. Encore une fois, nous y retrouvons la fameuse chanson de Prince en tête de liste. Non, ce n’est pas une plaisanterie : ce que des femmes de sénateurs estiment alors le plus dangereux pour la jeunesse de leur pays, c’est bien de décrire des femmes en train de se masturber. À partir de cette date, Zappa ne donne pas moins de 300 interviews sur la question et participe brillamment aux débats télévisuels – comme « Crossfire » – où il cloue le bec aux journalistes politiques moralisateurs qui lui font face. Sa déposition devant le Congrès le 19 septembre 1985 est tout simplement une merveille de drôlerie : « Je vous demande de considérer les faits suivants :
1. Aucune preuve scientifique concluante n’a jamais été apportée qui justifierait la plainte selon laquelle l’exposition à un type de musique quel qu’il soit puisse pousser l’auditeur à commettre un crime ou à vendre son âme au diable.
2. La masturbation n’est pas illégale. Si sa pratique ne relève pas d’un délit, pourquoi une chanson qui y ferait allusion serait-elle illégale ?
3. Aucune preuve médicale n’a jamais établi de lien entre les poils dans la main, les verrues ou la cécité et la masturbation ou l’excitation vaginale. Pas plus qu’il n’a été prouvé que l’écoute d’allusions à de tels sujets ne transforme l’auditeur en individu asocial.
4. La mise en œuvre d’une législation antimasturbatoire coûterait beaucoup de temps et d’argent.
5. Il n’y a pas assez de place dans les prisons pour enfermer tous les enfants qui la pratiquent. »

Deux voyages en Tchécoslovaquie au moment de la Révolution de Velours, où il est accueilli comme un héros par Vaclav Havel, le confirment dans ses qualités d’interlocuteur politique. Il finit par annoncer son intention de participer aux présidentielles en avril 1991 sur une radio de Berkeley. Il demande à plusieurs consultants une étude de faisabilité et, en juillet, il annonce son programme : réforme du système éducatif, imposition de toutes les églises, politique internationale recentrée sur la diplomatie avec combat contre les lobbys de l’armement, défense inconditionnelle de la liberté d’expression selon le premier amendement de la constitution. Mais le développement accéléré de son cancer de la prostate mettra un terme à ce projet. C’est à partir de cette époque que Zappa se rapproche de Biafra, qu’il contacte lors du procès intenté contre ce dernier par le PMRC. Cette rencontre, Biafra la citera plus tard comme un des rares moment magiques de cette mésaventure.

En effet, en 1986, à la demande du PMRC, Jello Biafra est instruit en justice pour la publication du poster « Landscape # 20 » inséré dans l’album « Frankenchrist » : un paysage composé de pénis en érection pénétrant des cuisses consentantes dessiné par Hans Ruedi Giger. Bien que la raison officielle soit la plainte d’une famille offusquée par l’image de Giger, Jello Biafra estime que le procès est secrètement motivé par des raisons politiques, en guise d’avertissement aux autres groupes tentés d’enregistrer des disques aux paroles subversives. Depuis leur premier single, « California Über Alles », les Dead Kennedys se distinguent par la constance de leur attaques. En 1983, ils sont la tête d’affiche du festival Rock Against Reagan. Le remake de « California Über Alles », « We Got A Bigger Problem Now » est directement dirigé contre la présidence de l’acteur de « Death Valley Days ». Lors du procès, le label de Biafra, « Alternative Tentacles », risque une amende de 2000 dollars ainsi qu’une année d’emprisonnement pour Biafra. Il fonde alors le « No More Censorship Defense Fund » pour payer les frais légaux, dépense que ni lui ni son label ne peuvent absorber. Le jury acquitte Biafra à sept contre cinq. Les procureurs tentent de relancer le procès, mais leur requête est refusée par le juge. Un de ses premiers spoken word de Biafra est consacré au procès : « High Priest of Harmful Matter ».

À la différence de Zappa, Biafra n’a pas attendu le PMRC pour basculer dans la politique proprement dite. Il est candidat à la mairie de San Francisco dès 1979. Parmi ses projets, celui d’obliger les businessmen à porter des déguisements de clown dans leur travail et l’installation de statues de Dan White dans toute la ville (criminel homophobe pour lequel la défense inventa une plaidoirie inouïe baptisée « Twinkie Defense », basée sur l’influence de la junk food sur son comportement, et qui s’en tira avec cinq ans de prison pour homicide volontaire, malgré l’évident préméditation de ses assassinats)… Mais aussi, plus sérieusement, la légalisation du squat dans les immeubles désaffectés, le bannissement des voitures, et l’élection par les citoyens des policiers de leur quartier. Biafra n’obtient que 3, 5% des suffrages mais ne cesse pour autant son activisme et, en 2000, le « Green Party » lui propose de se présenter à l’investiture pour la présidentielle. Son candidat pour la vice-présidence est Mumia Abu-Jamal, qui attendait et attend toujours son exécution dans un pénitencier de Pennsylvanie. Parmi les idées contenues dans son programme, en dehors du « Maximum Wage », on peut noter l’abolition de la CIA, de la NSA, et la destruction progressive du FBI ; l’utilisation du budget de la Défense pour la reconstruction des villes et la destruction de toutes les armes nucléaires et des satellites ; la dépénalisation de toutes les drogues, les drogues dures étant désormais considérées comme des maladies et non des crimes ; enfin une éducation sexuelle correcte en classe, avec apprentissage de la masturbation. « Ces enjeux ne sont pas ceux de la gauche contre ceux de la droite, ce sont ceux du haut contre ceux du bas, expliquera Biafra, et que le fait tout le monde puisse manger à sa faim devrait être l’enjeu numéro 1 de tous. » Biafra arrive second derrière Ralph Nader.

Comme Zappa, Biafra ne supporte pas que la politique se fasse en pleurnichant. Les sarcasmes et l’ironie rythment ses chansons, toutes absolument politiques. En témoigne un des premiers titres des Dead Kennedys, l’extraordinaire « Kill The Poor », digne de Swift et de Bloy, ou le très direct « Let’s Lynch The Landlord » : vraie déclaration de guerre anarchiste. Biafra n’épargne pas sa génération si son milieu ; il est aussi violent avec les punks que Zappa avec les hippies, et il conspue avec une hargne mordante leurs compromissions comme leur fermeture d’esprit, quand ce n’est pas un fond réac mal assumé (et les « Punks Pour Bush » donneront raison à l’auteur de « Nazi Punks Fuck Off ») : dans ses entretiens les plus virulents, Biafra ira jusqu’à dénier aux punks le droit de se présenter comme un mouvement historique, à peine une branche de l’industrie du spectacle. « MTV Get Off The Air » dit littéralement tout le bien qu’il pense de la chaîne « consacrée au rock » et le sommet du comique politico-culturel est atteint dans « Those Dumb Punk Kids (Will Buy Anything) » sur le deuxième album avec les Melvins, « Sieg Howdy » (2005) : une chanson qui documente l’autre grand procès de Biafra, celui qui l’oppose à son ancien groupe, les Dead Kennedys, dont il a empêché (au grand dam de ses anciens amis) l’utilisation de la chanson « Holiday in Cambodia » dans une publicité pour Levi’s. Le titre est une citation de son ex-guitariste, East Bay Ray, qui disait – en privé, bien sûr – que leurs fans étaient si bêtes qu’ils étaient prêts à acheter n’importe quoi. Un lien secret unit également les deux premiers disques de Biafra et Zappa, « Fresh Fruit For Rotting Vegetables » contenant l’inscription « Well ?? Who ARE The Brain Police ??? » sur le sillon de la 1ère édition, une référence directe à la chanson du premier album de Frank Zappa & The Mothers of Invention, « Freak Out ! » : « Who Are The Brain Police ? »

Qui est la Police du Cerveau ? La police du cerveau, c’est la conscience, et celle-ci travaille toujours pour quelqu’un d’autre que pour nous. « Un tas de gens font la police dans leur propre cerveau, dit Zappa, ce sont des soldats citoyens. J’ai vu des gens qui, volontairement, s’arrêtent, se jugent et se punissent. Il n’y a pas besoin d’agence centrale puisque les gens pratiquent ça volontiers sur eux-mêmes. » Voilà pourquoi on ne lutte pas politiquement en informant la conscience de son auditeur de ce qu’il devrait faire, mais en lui permettant de sculpter politiquement son inconscient. Dès le premier album des Dead Kennedys, Biafra décide de reprendre le combat exactement là où Zappa l’a placé, à savoir sur ce qui détermine pulsionnellement les motivations politiques des hommes : une enquête qui passe par la personnification des modes de vie, ainsi qu’une relation combative avec le public. Leurs chansons explorent les cuirasses psychiques que la musique vient relever et emporter. Et Zappa et Biafra se retrouvent encore dans leur amour des monstres et des outcasts, ceux qui se sont laissé détourner par la puissance imaginative de leur esprit : la passion de Biafra pour Wesley Willis (et ses chansons démentielles « Fuck With Me And Find Out », « Suck A Cheeta’s Dick », « I Whipped Spiderman’s Ass ») rappelant l’attention de Zappa pour Wild Man Fischer, ou celle pour l’extraordinaire Bruce Brickford dont il financera les animations en pâte à modeler en lui délivrant une aide mensuelle (l’équivalent d’un salaire) tout au long de sa vie.

La grande dissipation incarnée par Zappa & Biafra passe par une assomption du potentiel subversif des grands schizophrènes et l’encouragement massif aux développements de leurs visions. On ne cherche pas à changer le monde sans d’abord changer notre manière d’évaluer ce qui est « normal » et ce qui ne l’est pas, sans d’abord ouvrir notre façon de voir et de penser aux associations inattendues et aux propositions démentielles. À la déraison rationnelle des religieux et des laïcs et la menace que font peser sur nous les leaders monothéistes, les chefs de guerre ou les magnats de l’industrie, il faut opposer la généreuse irrationalité des déviants solitaires, la capacité de chacun d’entre nous à détourner le cours des astres en chevauchant l’hippogriffe. De Giordano Bruno à Whilelm Reich, en passant par Charles Fourier et Louis-Auguste Blanqui, les grandes destructeurs de l’Ordre Ancien furent des esprits cosmiques dont les visions débordèrent drastiquement des délimitations habituelles du « scientifique » et du « religieux », du « politique » et du « théologique ». Et Zappa rejoint le rang des révolutionnaires divins lorsqu’il imagine des guerriers nouveaux combattant contre Greggery Peccary, le porc qui inventa le calendrier. Et si la grande politique doit être à la fois humoristique et érotique, anti-autoritaire et généreuse, c’est parce que le rire, le plaisir, l’amitié et la justice sont des victoires de l’homme remportées sur les conditions de l’espace et du temps. « En admettant que nous disions « oui » à un seul moment, écrit Nietzsche, nous avons par là dit « oui » non seulement à nous-mêmes, mais à l’existence toute entière. Car rien n’est isolé, ni en nous-mêmes, ni dans les choses : et, si notre âme a frémi de bonheur et résonné comme les cordes d’une lyre, ne fût-ce qu’une seule fois, toutes les éternités étaient nécessaires pour provoquer ce seul événement, et, dans ce seul moment de notre affirmation, toute éternité était approuvée, délivrée, justifiée et affirmée. »