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Il n'y a pas de violences policières en France
Paru en 2020

Contexte de parution : Facebook

Présentation :

Post Facebook du 6 février 2020






On se demande ce qui est le plus dingue dans cette affaire : les violences policières ou le déni permanent de leur existence par les enmarcheurs et leurs sbires médiatiques. On croirait la une du premier Charlie Hebdo, vous vous souvenez ? Celui du 23 novembre 1970. Celui qui suit directement le numéro interdit de L’Hebdo Hara-Kiri sur la mort de De Gaulle (« Bal tragique à Colombey ») du 16 novembre 1970. Une couverture de Gébé avec un gros « Il n’y a pas de censure en France » et en dessous le dessin d’un aveugle qui dit « Liberté de la presse ? Vaut mieux entendre ça que d’être sourd ! » Il n’y a pas de violence policière en France. Liberté de manifester ? Vaut mieux lire ça que d’être borgne.

Les enmarcheurs disent toujours qu’ils assument, mais en vrai, ils n’assument pas du tout. Même le mot leur fait peur. Les enmarcheurs n’ont cessé de le rabâcher, petit robot Macron en tête : « Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un état de droit. (…) Je récuse le terme de violences policières. Je considère qu’il y a de la violence dans la société. »

Mais dans quel monde parallèle vivent-ils ? Les éborgnements, les explosions de mains et de pieds se sont multipliés depuis un an comme Jésus multipliait les pains. Les vidéos s’accumulent, prises au téléphone portable, et les photos ne cessent de nous montrer les archontes du petit manager dans leurs basses œuvres. Mais le mot, ils ne le supportent pas. Le terme de violence policière leur fait horreur. En vrai, si ils assumaient autant qu’ils le prétendent, les enmarcheurs diraient : « Les violences policières, c’est notre PROJET ! » Pourquoi ne le font-ils pas ? Parce qu’ils le savent bien, au fond, qu’ils font quelque chose de détestable.

Pour le reste, ils peuvent se permettre le luxe de l’ignorer. Les véritables saloperies, elles sont toujours faites en regardant ailleurs. Toute la sape sociale, toute la violence économique, ils se la permettent parce qu’ils n’ont pas à en observer les conséquences. Ils répondent au coup par coup. A chaque saloperie dénoncée, ils en ont une autre dans les tuyaux. Ils essaient d’agir de plus en plus vite parce qu’ils savent qu’on les regarde, mais ils n’ont pas honte. Jamais. Les morts que peuvent entrainer leurs actes ne sentent pas le cadavre. Ils agonisent en silence, meurent de faim et de froid sans faire de bruit. Les enmarcheurs n’ont pas à se débattre avec les suicidés de leur société.

Ils sont un peu comme l’héritier du mandarin chinois, dans l’Emile de Jean-Jacques Rousseau. Vous vous souvenez ? « S’il suffisait, pour devenir le riche héritier d’un homme qu’on n’aurait jamais vu, dont on n’aurait jamais entendu parler et qui habiterait le fin fond de la Chine, de pousser un bouton pour le faire mourir, qui de nous ne pousserait pas ce bouton pour amener la mort du mandarin ? » C'est vrai. Et s’il suffisait, pour devenir riche aux dépens d’un peuple dont on se contrefiche, de pousser un bouton pour le faire crever de faim, qui de nous ne le ferait pas ?

Il est là le problème : nous avons beau savoir qu’ils déconnent à pleins tubes, rien ne nous dit que nous ne serions pas aussi merdiques qu’eux une fois à leur place. Et même tout nous dit le contraire. Ce n’est pas une question de personne, c’est une question de fonction. Le pouvoir est maudit, nous le savons depuis le premier épisode du feuilleton de l’humanité, et c’est pourquoi il est impératif de tout faire pour qu’il puisse s’exercer le moins possible. Il faut que les hommes de pouvoir soient entravés dans leur volonté, et ceux qui en bénéficient paralysés dans leur détermination. Pour ça, il faut leur démontrer qu’ils y gagnent beaucoup moins qu’ils ne nous font perdre.

Il faut leur montrer qu’on est plus heureux qu’eux parce qu’on n’agit pas comme eux et qu’on ne vit pas comme eux. Et ce bonheur n’est pas réservé à une élite, il n’est même pas réservé à une majorité contre l’élite. Ce bonheur est accessible à toutes et tous, il est le simple exercice de notre puissance d’aimer. Comme dans la chanson de Prince « New Power Generation » : « Laissez tomber vos armes, rejoignez-nous sur la piste. Faire l’amour et de la musique sont les deux seules choses pour lesquelles nous nous battons. Nous sommes la nouvelle génération puissante, nous voulons changer le monde ; le seul truc qui nous en empêche, c’est vous. Votre vieille musique, vos vieilles idées : nous sommes malades de vous entendre nous faire la leçon. »

Dans le fond, on le sait, qu’on est plus heureux qu’eux. Dans le fond, on le sait, qu’on a plus de musique qu’eux dans nos cœurs. Dans le fond, les 1% se détestent tous et ils détestent leurs vies de cons. Il faut déployer notre musique et notre amour comme un grand arc-en-ciel afin qu’ils comprennent qu’ils pourraient se respecter un peu plus si ils nous crevaient un peu moins. Il faut leur réapprendre à nous craindre (un peu), à nous envier (pas mal) et à nous aimer (beaucoup). Face aux violences policières, il faut montrer aux enmarcheurs qu’il y a des gens violemment heureux en France : Nous, pas envieux de leur place mais prêt à partager les fruits délicieusement acides de notre musique et la chaleur de notre amour avec eux quand ils cesseront enfin de nous presser comme des citrons et de tondre notre laine comme des moutons. Il n’y a pas de joie plus belle que la nôtre. Vaut mieux entendre ça que d’être en marche et crevé !