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Les femmes courageuses
Paru en 2020

Contexte de parution : LUI

Présentation :

Texte publié dans le magazine Lui en réponse à la question « Qu’est-ce qui est sexy aujourd’hui ? » posée par Frédéric Taddei.


Cité(s) également : plusJames Brown, Prince, Rachilde, The Leftovers




Ce sont les femmes courageuses les femmes sexys. Les révolutionnaires, les résistantes, les héroïnes des droits civiques, les femmes prêtes à mourir pour des idées, les femmes qui donnent leur vie pour les êtres qu’elles aiment. Celles qui ont du sang froid, des nerfs solides, un sourire merveilleux, une voix enivrante et des yeux qui pétillent. Celles qui sont capables de sororité et de loyauté. Celles qui ne se laissent pas baratiner et qui, quand elles aiment, aiment tellement, passionnément, tragiquement, sensuellement. Les poétesses qui défient l’autorité, les dessinatrices qui vivent entre deux réalités, les visionnaires, les sorcières, les guerrières. Je me souviens du mot d’Alfred Jarry à Rachilde : « Nous n’aimons pas les femmes, mais si jamais nous en aimions une, nous la voudrions notre égale, ce qui ne serait pas rien. » Je tombe amoureux de femmes qui possèdent des qualités au moins égales aux qualités que je recherche chez mes amis et amies, sauf que, dans leur cas, elles me font trembler les mains, vibrer le cœur, chavirer l’âme. Elles me font perdre pied et elles énervent mes lèvres et ma libido. Je n’ai jamais pensé que l’amitié et l’amour étaient incompatibles. C’est comme dans la chanson de Prince : « If I Was Your Girlfriend ». Comme dans toutes les chansons de Prince, d’ailleurs. Je ne peux pas tomber amoureux d’une femme dont je ne voudrais pas également faire ma meilleure amie. 

Les séries télévisées des vingt dernières années nous ont habitué à ces premiers rôles féminins qui sont, non seulement excitantes et intelligentes, courageuses, drôles, mélancoliques, mais auxquelles les hommes ont envie de s’identifier : Buffy, « Starbuck », Veronica Mars, Echo, Root, Shaw… Ce sont elles les femmes sexy. Mais Watchmen en 2019 opère un tour d’écrou supplémentaire : ce n’est plus une jeune femme l’héroïne qui affirme sa puissance dans un « monde d’hommes d’hommes » (comme dirait James Brown), c’est une femme noire de quarante-cinq ans, mère de famille, à la fois superpuissante héroïne masquée et amoureuse tragique. Dans Angela Abar, le personnage que joue Regina King dans Watchmen, il y a tout. Ou plutôt elles y sont toutes : la femme courageuse et la femme au cœur brisé, la femme qui découvre son passé familial et la femme qui cache un grand secret, la femme sophistiquée et la femme sauvage, la femme capable d’amitié et la femme aux qualités maternelles. Et puis il y a l’amour passionné, l’érotisme à fond, une façon de se tenir debout et de marcher d’une classe folle. C’est très dur de ne pas être amoureux d’elle. Regina King, qui fit ses début dans Boyz n the Hood, déploya son grand talent dans la série Southland et explosa dans The Leftovers et Seven Seconds, est aussi réalisatrice à ses heures. Je pense qu’on va réentendre parler d’elle bientôt, beaucoup, souvent. Le monde qui vient est plus sexy que celui d’hier, puisqu’il lui ressemble.