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L’UMP comme métaphore
Paru en 2009

Contexte de parution : ICI-BAS (laguerretotale.blogspot.fr)

Cité(s) également : plusmenu_mondes.pngAndy Kaufmanmenu_mondes.png, Arthur Rimbaud, menu_mondes.pngBeatlesmenu_mondes.png, Bernard Kouchner, Brice Hortefeux, Charlie Kaufman, Christine Lagarde, Eric Besson, François Fillon, Frédéric Mitterrand, Friedrich Nietzsche, James Joyce, Michel Sardou, Roselyne Bachelot




Et quand ils eurent passé le pont, des français vinrent à leur rencontre.

Tout se décide dans l’air subtil, vingt coudées au-dessus de leurs têtes. Des gentlemen milliardaires gris, des patrons de multinationales invisibles, aux bras plus nombreux que ceux de Shiva, lourds du poids de mille atmosphères. Et, sur la terre ferme, devant l’appareil du photographe, Bachelot, Lagarde, Hortefeux, Mitterand, Kouchner : les yeux rouges, la gueule en miettes. Regardez leurs visages éberlués, leurs bouches grandes ouvertes, leurs langues pendantes. Regardez les tics de Suzy, les douleurs dorsales de Fillon, les rictus de haine de Lefebvre. Ils voient les effondrements économiques se dérouler face à eux comme de gigantesques catastrophes naturelles. Un peu comme s’ils les découvraient à la télévision, une main dans les cacahouètes et l’autre dans leur culotte. Ils ne sont pas très contents d’eux-mêmes ; imbéciles, ignorants, hommes vieux devant les choses inconnues. Tout les dépasse. Du coup, tout ce qu’il leur reste, c’est leur pouvoir de nuisance. Alors il faut qu’ils nous pourrissent bien la vie. Histoire de montrer qu’ils existent. Que, quand même : il reste bien quelque chose du bon vieux pouvoir politique. Infléchir la course des événements via leurs petites menottes, avec leur petite tête de piaf, ils savent qu’il ne faut pas trop qu’ils y comptent. Ce qui leur reste, c’est les atrocités qu’ils peuvent ponctuellement nous faire subir. Alors c’est comme ça que le monde finit : pas dans un murmure ; pas dans un bang ; mais dans un pet foireux.

L’UMP, ce n’est pas plus la droite que la gauche. L’UMP, c’est la métaphore de celui qui, sachant qu’il n’a pas la capacité d’agir sur les événements, compense son impuissance en exerçant son pouvoir de nuisance sur les plus faibles. Pour rien : juste pour faire peur et pour faire envie, par cette savoureuse amplification du sordide qui est le véritable changement de style de la vie politique depuis l’assomption de Suzy. Et s’il fallait élire, au cœur de mille et une personnalités politiques, celle qui incarne le plus parfaitement le caractère profondément sordide de notre époque, il faudrait sans doute faire monter sur scène, dans un smoking rose avec haut de forme pailleté d’argent, le formidable Eric « Studio Tan » Besson.

Le principe d’un débat sur l’identité nationale est d’une insane stupidité. Mais pas tellement plus. Ca ne va même pas tellement plus loin. L’identité nationale, quand le principe même de l’identité est débunkée depuis plus d’un siècle, est d’un comique grotesque, à faire hausser les épaules du plus bienveillant des commentateurs. L’identité nationale, après Nietzsche, Rimbaud, Finnegans Wake et les Beatles, c’est juste aussi ringard qu’une compil de Sardou ou Les Visiteurs. L’identité nationale, c’est le stupide dix-neuvième siècle ; c’est avant-avant-hier. Il n’y a pas de vrai Eric Besson, comme il n’y a pas de vrai Andy Kaufman. « Ils feraient mieux de lire Finnegans Wake » disait Joyce quand les Allemands envahissaient la Pologne. Ils feraient mieux de regarder Synecdoque, New York de Charlie Kaufman, soupirai-je, quand je vis « Studio Tan » Besson faire son coq arrogant en déclarant que la France s’était saisie du débat sur l’identité nationale. En disant qu’il fallait en finir avec la haine de soi et le communautarisme. Si l’on pouvait s’émouvoir d’amour devant un drapeau, alors ce serait assez bête, mais ça voudrait dire encore quelque chose. Mais planter un drapeau devant le palier de son voisin et lui dire : « Fais semblant d’aimer cette poussière, sombre con », alors ça : ça dépasse vraiment l’entendement.

Il ne suffit pas de vivre dans une parodie sinistre de société. Dans un manoir macabre encombré de goules suzysistes. Il ne suffit pas de vivre au cœur d’un mélange contre-nature de maffia et de politique d’ingérence, les pratiques nixoniennes de Pasqua l’Obscur saupoudrées du sucre glace de l’idéologie kouchnérienne. Il faut – en plus – qu’on soit obligé de commenter à l’infini notre mécontentement. Il faut – en plus – qu’on en parle. Parce qu’on ne nous laisse même pas la possibilité de les ignorer. C’est une chose que de ne faire que des cochoncetés ; c’en est une autre d’empêcher autrui de faire des trucs biens. Et c’est bien ça, le changement de style suzyste, et c’est bien ce changement qui dépasse de très loin les clivages de la droite et de la gauche. Le style suziste, c’est : ne pas se contenter de faire les mêmes sales petits trucs minables que les gouvernements précédents ; mais surtout – en parlant plus pour paralyser plus – empêcher les autres de faire des trucs biens. Ne pas se contenter d’être gras et bêtes ; empêcher, en hurlant en permanence dans leurs oreilles, les autres d’être subtils et fins. Leur combat est perdu d’avance. On sera toujours plus vivant qu’ils ne sont mortifères. On sera toujours plus forts qu’ils ne sont opiniâtres à nous affaiblir. Ils feront encore des morts, ils feront encore des vies brisées et des existences piétinées, mais ils ne le feront pas longtemps. Eric « Studio Tan » Besson comme figure ultime de l’UMP, avec ses déclarations agressives, ses trahisons successives toujours récompensées, son ascension de superstar du mal et sa vie personnelle, affichée dans les livres, de queutard vulgaire, c’est bien le signe que la pièce est finie. L’Histoire va fermer.