Pacome Thiellement.com

corpus_423_inmemoriamphilkdick.jpg
In Memoriam Philip K. Dick
Paru en 2018

Contexte de parution : Facebook

Présentation :

Post Facebook du 16 décembre 2018


Sujet principal : menu_mondes.pngPhilip K. Dickmenu_mondes.png




Il y a 90 ans aujourd’hui naissait Philip K. Dick, dépositaire de la plus grande œuvre d’inspiration visionnaire de la deuxième moitié du XXe siècle. A travers ses romans de science-fiction, la voix de la véritable divinité a parlé. Celle-ci a révélé à l’humanité les murs de la prison de fer noire à l’intérieur de laquelle nous mourrons de vivre cette vie de désespoir, cette vie atrocement mutilée.

La rencontre directe de Philip K. Dick avec la voix divine a lieu en février 1974 lorsque celui-ci a déjà écrit la plus grande partie de son œuvre romanesque. Dick commande un antalgique buccal à la suite de l’extraction d’une dent de sagesse. La personne qui vient le lui livrer est une jeune fille aux cheveux noirs qui porte un collier en or représentant un poisson. « Qu’est-ce que c’est ? » lui demande Dick. « Un symbole qu’utilisaient les premiers chrétiens » répond la jeune fille. A partir de cet instant, Dick subit une immersion dans un état de connaissance qui durera deux mois et qu’il mettra le reste de sa vie à comprendre et à interpréter, dans les milliers de pages que représentent L’Exégèse et dont Jackson et Lethem ont proposé une première restitution en 2011 et Hélène Collon une première traduction. Ce livre est la somme la plus importance de connaissance « gnostique » depuis la découverte de la Bibliothèque de Nag Hammadi en 1945.

Pendant ces deux mois, Dick est visité par une entité plasmatique qu’il appelle Ubik, Logos, Zebra ou Thomas… Thomas est un disciple de Jésus persécuté de l’an 70, et ce Sans Roi lui apprend que ce qui s’est déroulé de l’an 70 à 1974 est de l’ordre de l’hallucination : cet univers est un décor de carton-pâte, une prison de fer noir dont le « plasme » divin essaierait, depuis lors, de nous libérer. D’où la phrase « L’Empire n’a jamais pris fin » que Philip K. Dick lisait sur la couverture d’un magazine de science fiction qui apparaissait dans ses rêves d’enfance. D’où également le nombre incalculable de signes déposés par la divinité à travers son œuvre de romancier de S.F.

Cette entité divine répondant au nom de Thomas qui s’installe en lui, Philip K. Dick la définit dans un texte en appendice de son roman Siva publié en 1980 : « Le Logos n’est pas irrationnel. Les alchimistes hermétiques connaissaient son existence de façon théorique, d’après les textes anciens, mais ils ne pouvaient en donner la copie, puisqu’ils ignoraient l’emplacement du plasme enfoui sous sa forme dormante. A l’état latent, germinatif, en tant qu’information vivante, le plasme a sommeillé dans la bibliothèque enfouie des manuscrits de Nag Hammadi jusqu’à sa découverte en 1945. Enfoui, en tant qu’information, dans les manuscrits de Nag Hammadi, il est à présent de retour parmi nous afin de créer de nouveaux homoplasmes. Les Romains, l’Empire, ont tué ceux qui existaient à l’origine. Les Romains sont encore là. L’Empire n’a jamais pris fin. »

Dans plusieurs passages de son Exégèse centrés sur son rêve d’enfance, Philip K. Dick se rend compte de la nature particulière de la littérature « pulp » dans sa relation au divin. Si, un moment, il se demande pourquoi, à la différence d’autres gens, il a pu faire l’expérience directe de la divinité, il émet ensuite l’hypothèse que c’est justement parce que, en tant qu’écrivain de littérature populaire, il « trouve dans les détritus du caniveau, parmi les molécules détériorées, un pouvoir sacerdotal enfoui depuis des temps immémoriaux » comme dit de lui Stanislas Lem. « J’ai abaissé mon télescope (quand l’occasion s’est présentée, grâce à l’Esprit Saint), dit encore Dick, vers le caniveau au lieu de le pointer vers les étoiles – et avec des résultats ahurissants. »

Nous n’aurons jamais assez d’amour et de reconnaissance pour ce que Philip K. Dick nous aura apporté. Il s’agit de la justification divine, métaphysique, non seulement de la culture pop, mais également de l’anarchie. Dans un autre passage de son Exégèse, Philip K. Dick tire les implications politiques de l’anamnèse collective passant par l’intermédiaire de la culture pop : « Si Dieu réside en chaque homme, alors toute forme d’organisation hiérarchique prétendant détenir le monopole du vrai, et dispensant celui-ci de haut en bas, est l’ennemie de l’espèce humaine. Sans preuve de l’existence de cette Lumière intérieure, il ne peut exister de justification rationnelle à l’anarchie. Avec cette preuve (que je détiens), pas d’explication rationnelle légitimant la centralisation du pouvoir, ou les États tels que nous les concevons actuellement. Nous serons tous reliés les uns aux autres de toute façon. Il ne saurait en être autrement. Les conséquences sur le plan social sont incalculables, mais dans le bon sens. »

Refuser le pouvoir (que ce soit celui des leaders politiques ou religieux) sans tenter de le remplacer est, avec la pratique constante de l’Exégèse, l’unique méthode de libération. Même dans un sens sacerdotal, tout pouvoir est maudit.

Nous ne t’oublierons jamais Philip K. Dick.